Le siècle bleu, de Jean-Pierre Goux, JBz&Cie (avril 2010)
L’histoire du roman « Le siècle bleu » de Jean-Pïerre Goux part d’une excellente intention : faire comprendre l’importance géopolitique des enjeux énergétiques actuels. La démonstration se fait par les grands moyens : le récit des prémices d’une guerre mondiale.
L’histoire se déroule aux Etats-Unis, dans un avenir proche. Le héros du livre, Abel, possède le quotient intellectuel d’ Einstein, le quotient de séduction de George Clooney et le quotient chamanique de Raoni, lui permettant d’être en contact direct avec Ké, l’esprit de la terre. Abel dirige officiellement un prestigieux bureau d’études spécialisé sur l’impact du réchauffement climatique et pilote en secret une cellule d’eco-terrorisme, Gaïa, qu’il finance en subtilisant cent millions de dollars à un site mafieux (qui ne pourront donc pas porter plainte). Le principe fondateur de Gaïa est de sauver la planète en ne blessant personne. Au moment où Gaïa mène des actions musclées contre la pollution, la surpêche, les boucliers anti-missiles, les Etats-Unis sont en train de doubler la Chine dans la conquête spatiale. Ils viennent d’envoyer sur la lune une navette avec quatre astronautes afin de démarrer l’extraction de l’hélium 3 nécessaire à la fission nucléaire et également y déposer en toute discrétion une arme secrète qui permettra de détruire la navette chinoise devant y atterrir trois semaines plus tard. Sur les quatre astronautes de la navette, un seul d’entre eux est dans le secret de cette mission de sabotage. Par ailleurs, un des quatre astronautes a été choisi par le peuple américain via un concours télévisé, il s’agit de Paul, le meilleur ami d’Abel. Paul tient depuis la lune un blog suivi avec adoration par plusieurs milliards de terriens. Mais une mauvaise manipulation de l’arme secrète sur la lune fait exploser la navette américaine. Le Président des Etats-Unis se voit alors habilement suggérer de reporter cette erreur sur Gaïa, alors très médiatisée pour ses actions d’eco-terrorisme ayant déjà eu pour cible la Défense américaine. Abel, traqué, se refugie dans un centre scientifique qui permet de capter les signaux de l’espace, et intercepte un message crypté de Paul, seul survivant de l’explosion, qu’il réussit à décrypter grâce à des astuces inattendues. L’issue du premier volet de cette épopée prévue en plusieurs tomes s’achève ainsi : Abel fait découvrir au monde entier le message de Paul révélant le sabotage prévu de la navette chinoise à l’origine de l’explosion de la navette américaine, le président des Etats-Unis tombe dans le coma, les Chinois sont furieux et préparent une offensive, Abel devient un héros national , le message de Gaïa est entendu par le plus grand nombre. Pendant ce temps là, Paul agonise lentement dans une niche pour chien conçue pour un séjour lunaire …
L’auteur a de solides connaissances scientifiques, une vision des enjeux à venir, la capacité à créer du rythme dans le récit, et pourtant le lecteur décroche et finit par rire de cette histoire si alambiquée. En dépit de l’intérêt du thème, l’éventualité d’une révolution énergétique fondée sur la conquête spatiale, l’invraisemblance des situations décrites et la profusion de stéréotypes donnent un caractère à la fois abracadabrantesque et sans surprise au récit.
Entre l’hyper rationalité scientifique et l’hyper « irrationalité » chamanique, il n’y a aucune voie médiane et accessible qui permette de saisir véritablement la thématique. Au final ces deux extrêmes révèlent les défauts de la culture écologique, écartée entre deux opposés, un espoir de bond technologique d’une part et d’un retour à la terre inspirée d’une relation spirituelle d’autre part. Le livre joue ainsi un rôle de miroir sans humour de notre société qui n’arrive pas à envisager ses défis environnementaux avec un simple bon sens, mesure et pragmatisme, et qui en attend une nouvelle épopée avec tout l’imaginaire correspondant.
Alice Audouin